21.12.10

Avis de naissance: Tayush - groupe de réflexion pour un pluralisme actif

تعايش

Pour l'occasion, je me permets de citer ici in extenso mon collègue Henri Goldman, qui vient de publier l'avis de naissance sur son propre blog disponible ici.

"Un nouveau groupe souhaitant travailler sur les questions d’interculturalité publie son faire-part de naissance : Tayush [2]. Il l’a fait à travers la publication discrète (sur le site Internet du quotidien Le Soir) d’un texte important intitulé « Interculturalité : vers l’apaisement ? ». Je suis un des quatre signataires de ce texte, mais il aurait pu s’agir de quatre autres personnes. Ce qui est significatif dans ce quatuor est sa composition : deux hommes, deux femmes, deux personnes issues de l’immigration et deux réputées « blanches » [3]. Tayush, « groupe de réflexion pour un pluralisme actif », n’a pas pour vocation de constituer la brigade de choc du multiculturalisme-pronant-les-accommodements-raisonnables-et- le-différentialisme-culturel (pour en rajouter dans la caricature à laquelle je m’attends). D’ailleurs, les membres de Tayush sont loin d’être d’accord sur tout. Certaines recommandations des Assises font débat parmi nous. Rien que sur la question du foulard, on y retrouve des personnes plutôt favorables (dont certaines qui le portent), d’autres plutôt indifférentes (c’est mon cas) et d’autres plutôt hostiles, mais qui toutes se rejoignent dans une position d’empathie et de solidarité à l’égard d’autres personnes victimes de discriminations massives au nom de leurs convictions religieuses.

Tayush est un contre-feu nécessaire. Sur le front de l’interculturalité, la société hésite. La moindre initiative, comme par exemple les Assises, qui ne serait pas conforme à la nouvelle vulgate républicaine-française se fait immédiatement mitrailler au bazooka. Manifestement, le vent ne souffle pas dans le sens de l’ouverture. Une nouvelle extrême droite cherche à en profiter pour retrouver de la légitimité, tandis que d’incontestables démocrates n’hésitent pas à pêcher dans cette eau trouble en s’alimentant aux pires clichés. Les temps sont durs pour les musulmans européens qui sont aujourd’hui en première ligne dans le collimateur de la nouvelle parano. La plupart font le gros dos en attendant que ça passe. Mais ça ne passera pas forcément. Voilà pourquoi il est tellement nécessaire de créer des lieux où musulmans, personnes issues des diverses immigrations et Belges plus ou moins « de souche » et de toutes convictions philosophiques puissent élaborer ensemble leur cadre de vie commun, bien arrimés à la boussole de l’égalité des droits. Tayush peut être utile dans ce sens".

Longue, très longue vie à donc à ce groupe de réflexion plus utile que jamais. Ses premières réflexions sont décidément encourageantes et prometteuses pour la suite... A suivre donc!

Pour tout contact : groupe.tayush@gmail.com

10.9.10

Au feu!

Allez, un coup de gueule rapide!

Mais d'abord un petit moment de spiritualité - récitation magnifique des premiers versets de la sourate Yâ-Sîn.

J'adore ce pasteur illuminé comme on n'en fait qu'aux US qui prétend que l'islam est le Mal absolu, l'erreur, l'horreur et l'hérésie totale envoyant ses fidèles rôtir en enfer et que, conséquemment, le meilleur moyen de sauver les musulmans (ou plutôt l'Amérique de devenir un état shariatique), c'est de brûler le Coran!

Oui, je sais que je vais faire de la polémique à deux balles, mais une fois de temps en temps... Pardonnez-moi Seigneur!

Quel beau moyen en effet de prouver la supériorité de sa religion en brûlant le livre saint de ses "concurrents" spirituels? C'est classe, c'est esthétique, cela fleure bon les traditions médiévales à une époque où tout ce qui fait revivalisme cartonne... Je suis sûr que, si le gars a encore un peu d'imagination, il poussera le bouchon encore un peu plus loin, remettra ça l'année prochaine, et puis cela deviendra une "bonne vieille tradition locale" (genre grands feux de nos Ardennes) que les autorités du coin pourront marketter pour booster l'économie du terroir. Qu'attendre de plus dans une économie mondialisée où rien ne vaut que par sa valeur marchande?

Pour le reste, à la rigueur, en tant que musulman, je me moque que ce livre soit brûlé! Ce qui me pince le coeur, c'est le manque de respect à mes convictions, mais pour le reste, ce n'est que du papier - le vrai Coran est, lui, gravé de manière indélébile dans les coeurs et âmes de millions d'individus de par le monde et sauvegardé de toute éternité sur les tablettes du Seigneur. Bref, à part un buzz réussi, ce pasteur ne fera que réduire en cendre quelques feuillets de papier et agrandir inutilement le trou de la couche d'ozone sans que son action ne change quoique ce soit à l'avenir de l'islam. Après tout, les musulmans, aussi, ont une promesse...

Pour conclure sur la question de la supériorité, des chrétiens ont brûlés et brûleront encore des Corans, des communistes ont pissé et pisseront encore sur des Corans (enfin, tant qu'il y aura encore des communistes), d'autres lui feront subir d'autres avanies encore... et c'est très bien ainsi... liberté d'expression après tout... Mais, corrigez-moi cher Pasteur, quand des musulmans ont-ils brûlés des bibles, des torahs ou autres livres saints pour prouver la supériorité de leur religion? Juste histoire de vous donner un peu de "food for thought"...

Vivement la fin de partie de bac à sable!

8.6.10

Sharia4Belgium: apories, mensonges et Cie!


Le contexte: lors d'une brillante interview réalisée par Mehmet Koksal, le journaliste expert ès diversité à Bruxelles, le groupe Sharia4Belgium s'est illustré par une série de propos tous plus outranciers les uns que les autres, suscitant interrogations, peurs et incompréhension, surtout auprès de nos concitoyens non musulmans, mais aussi au sein de la population musulmane. Bien que n'ayant aucune envie de perdre mon temps à commenter les propos de tels individus, en tant que musulman engagé, je ne pouvais pas laisser des affirmations aussi gratuites qu'erronées sans réponse. D'autant qu'à l'heure où je rédige ce texte, le compteur de Youtube indique déjà plus 130 000 visualisations de cette vidéo ce qui est énorme. Essai de démontage.



Mise en garde: le langage modéré, c'était pour l'introduction. Là, j'ai vraiment envie de faire dans le trash et de me défouler. Trop de "dégoûtage" comme diraient mes amis algériens! Que les âmes fragiles dont le pudibondimètre serait branché sur "sensible" s'abstiennent de lire la suite…



Aaaaah comme je suis heureux! Heu-reux ! L'islam de Belgique a enfin trouvé des comiques à la hauteur, avec dans le duo de têtes à claques les inénarrables "Abu Fariz" et "Abu Imran", qui viennent de remporter haut la main le concours des jeunes musulmans les plus "décalés" de leur génération. Avec, à la batterie, le Britannique Anjem Choudhaury qui nous a livré toute la profondeur de sa pertinente analyse de l'islam - "Tout est positif dans l'islam: couper les mains des voleurs, lapider les adultères et châtier les homosexuels".


Là, on peut dire que l'on a eu un résumé (lapidaire, bien sûr) de notre belle religion. Je ne sais pas pour vous, mais moi j'aurais attendu quelque chose comme "Tout est positif dans l'islam: la spiritualité, l'humilité, l'amour de l'autre et le partage"… Mais non, l'essentiel de l'islam, c'est son apparat répressif médiéval! Avec des crétins de cet acabit débitant de tels stéréotypes sur leur propre religion, ma foi, franchement, je comprends que les islamophobes aient les chocottes quand ils entendent de pareilles déclarations. Allez prétendre après cela que l'islam veut dire "paix" et n'incite qu'à la coexistence pacifique... 25 secondes de concentré d'une telle sidérale imbécillité cybernétique suffisent à réduire à néant le travail de terrain de gentils péquenots comme nous qui croyons en un avenir meilleur pour l'humanité fondé sur le respect de la vie, des autres, et des opinions différentes.


Contrairement à ce qu'affirme ce type, quand j'entends des propos pareils, j'aurais tendance à considérer que, à la réflexion, l'islam ne serait finalement peut-être pas aussi parfait qu'il ne le prétend: il n'a pas prévu de châtiment corporel pour ceux qui débitent de pareilles sornettes. Puisque certains s'amusent à me prêter le rôle de mufti (si, si, je vous assure, je prends du grade!), j'aurais bien envie de faire une fatwa sur la licéité de couper la langue de ces énergumènes… Attention, ne me tentez pas!


Mais revenons à nos artistes!


Abu Bidule - euuh… Fariz* - nous assène: "On a parlé de choses dont les autres imâms de Belgique ne parlent pas… La démocratie, c'est le kufr (la mécréance). Quand tu votes, tu ne restes plus musulman".


Trois phrases. Un chef d'oeuvre. Il n'y a pas à dire, il est doué ce petit. Dire autant d'âneries en si peu de mots, il faut être fortiche…


Démontons donc! Contrairement à ce que dit notre comique, qui prouve par là qu'il ne doit pas souvent mettre les pieds à la mosquée - un comble pour quelqu'un qui se profile comme vrai musulman - nombreux sont les imâms qui parlent de la nécessité pour les musulmans de participer activement à la vie de leur cité, de leur pays, en particulier en utilisant les droits que leur confère leur citoyenneté belge. Je ne compte plus les prêches du vendredi au cours duquel des imâms, de toutes origines, ont insisté sur la participation politique des musulmans, pas seulement lors des élections, mais aussi au quotidien, au travers d'un engagement social au service de la communauté. Premier mensonge de Sharia4Belgium.


Deuxième mensonge: "La démocratie, c'est le kufr". Ah bon? A part dans les écrits de quelques "savants" minoritaires qui fondent leurs propos sur des interprétations biaisées de l'histoire de la civilisation musulmane - même pas du Coran ou de la sunna, puisque la démocratie n'était tout simplement pas à l'agenda à l'époque - sur quoi base-t-il son affirmation péremptoire? Sur rien! Il ne fait qu'ânonner ce qu'on lui a dit de répéter. Du vent, rien que vent. Pour une bonne et simple raison, le Coran ne se préoccupe pas de la gouvernance politique de la Cité. Ce n'est pas son propos. Il est là pour donner des clés pour arriver au Paradis et s'éviter l'Enfer. A l'instar des autres musulmans, les dirigeants sont exhortés à la justice, à la bienfaisance, au respect des autres, à la magnanimité… C'est l'essentiel de la doctrine coranique du pouvoir. Le Coran ne dit pas un mot sur le système politique de gouvernance, susceptible de changer à tout moment de l'histoire et Dieu sait que l'humanité a subi en la matière du pire au moins mauvais au cours de son existence.


"Oui mais le califat!" va-t-on m'objecter… Ben, justement, le califat "politique" n'est pas une doctrine coranique. Dieu a institué l'Homme comme calife sur la Terre nous dit le Coran. Il ne s'agit pas là d'un système de gouvernance, mais de la responsabilité de prendre soin de cet univers mis à notre disposition par notre Seigneur. Point final. A ce titre, chaque être humain, homme ou femme, musulman ou non, est calife de Dieu sur Terre.


Je m'étonne toujours du peu de méditation que font nos brillants exégètes "califistes" de la vie de leur soi-disant modèle, Muhammad - sur lui la paix. Dieu n'a pas voulu qu'il ait d'enfants mâles, évitant dès lors les inévitables guerres de successions qui n'ont pas manqué de fleurir avec la génération des disciples, des "califes politiques" précisément. Pas de tentation dynastique, pas de concentration de pouvoir, pas de capitalisation patrimoniale… En cohérence avec le message même de l'islam en quelque sorte, au contraire de ce que toute l'histoire califale n'a eu de cesse de démontrer.


Enfin, le Prophète s'est obstinément abstenu de désigner un successeur pour éviter toute sanctification ultérieure du modèle qu'il aurait pu indiquer. Dieu a donc tout fait pour laisser les hommes se débrouiller quant au choix de leur modèle de gouvernance.


Et qu'ont fait les premiers musulmans à la suite du décès de leur Prophète? Ils ont utilisé le principe coranique de la "shûrâ" (consultation/prise de décision par consensus ou à la majorité) pour choisir un successeur parmi eux. Un embryon de démocratie en vérité: c'est le "peuple" qui a choisi son dirigeant, pas Dieu lui-même - ou en quelque sorte, si, si l'on s'inscrit dans une version déterministe de l'histoire. En élisant leur dirigeant de la sorte, les premiers musulmans ont réalisé, accompli, la Volonté de Dieu dans l'histoire. Sous cet angle, tout dirigeant est toujours choisi par la volonté de Dieu, même "Yves Leterme ou Freddy Tielemans" pour reprendre les propos de nos imposteurs de Sharia4Belgium…


Troisième mensonge: "Quand tu votes, tu ne restes plus musulman". Même en n'admettant rien de ce que je viens de dire, une seule chose peut faire sortir un musulman de sa communauté de foi: la négation publiquement confirmée, en état de possession de toutes ses facultés intellectuelles, du fait que Dieu existe et que Muhammad soit Son Prophète. Tout le reste relève de la relation intime entre chaque individu et Dieu.


Il n'appartient aucunement à cet enturbanné à barbichette, genre taliban à deux balles, de se prononcer sur l'islamité ou non de ses semblables qui voteraient ou s'adonneraient à toute autre activité. Bien au contraire, il commet lui-même une hérésie gravissime en se permettant de tels jugements à l'emporte pièce à l'égard de ses semblables sur la qualité de leur foi et de leur rapport à Dieu. Plus même, ne s'agit-il pas en l'espèce d'un des pires dangers identifiés par les spirituels musulmans, à savoir le shirk khâfî, l'associationnisme caché, consistant à associer de manière subreptice quelque chose à Dieu en dépit de l'apparente orthodoxie du discours? En l'espèce, Abu Fariz s'assimile à Dieu en s'appropriant des prérogatives qui n'appartiennent qu'à Lui, telles que la détermination du degré de foi et de piété d'un individu justifiant son appartenance ou non à une communauté de croyants particulière. Une fois de plus, Sharia4Belgium s'illustre par des propos éminemment dangereux qui remettent en question des dogmes essentiels de l'islam alors que ce groupement prétend, paradoxalement, revêtir les oripeaux d'une orthodoxie intransigeante.


Je continue la citation: "La démocratie, ça n'a rien à voir avec l'islam, c'est le peuple, mais nous, on dit que les lois sont créées par Allah. On ne peut pas voter".


Là, on a le droit au cliché majeur de la "hâkimiyya" (la gouvernance divine) pour les nuls. Que du bonheur! Comme je l'ai déjà montré plus haut, le principe même de la démocratie, à savoir la consultation et la prise de décisions collectives, à la majorité, par des pairs, est consubstantiel à l'islam - son principe de réalisation au travers du concept de shûrâ n'étant qu'une variation sur ce même thème. Oui, dans la démocratie, c'est le peuple qui gouverne par l'intermédiaire de ses représentants élus qui prennent leurs décisions notamment en fonction de certains critères éthiques et moraux. Par définition, la démocratie n'interdit par la référence à une éthique religieuse particulière dans le processus de formation des décision, mais en aucun cas, Dieu ne gouverne directement. Dans la hâkimiyya façon Abu Fariz, toutes les lois auraient une origine divine.


Poussons le raisonnement un peu loin pour les simples d'esprits qui seraient tentés par ce genre d'approches réductrices: le code de la route? Dans le Coran! Le droit international? Dans le Coran! Les Accords généraux sur le Commerce et les droits de douane? Dans le Coran! Les normes de sécurité sur le lieu du travail? Dans le Coran! Les normes architecturales et urbanistiques? Dans le Coran! Le droit commercial? Dans le Coran! Le droit du travail? Dans le Coran! Le droit de la pêche? Dans le Coran!… Et la liste pourrait s'allonger encore et encore! Si l'on n'avait pas la démocratie pour définir, adapter et décider de ces milliers de pages de textes législatifs produites chaque année et qui régulent notre vie au quotidien, je crois que l'on tomberait un peu court avec le Coran pour seul outil dans une société aussi complexe que la nôtre!


Etant donné que Sharia4Belgium et autres groupuscules du même acabit recrutent rarement chez les diplômés de Sciences Po ou en Administration des Affaires, on ne peut pas vraiment leur en vouloir d'avoir une compréhension simpliste de nos sociétés modernes globalisées. En fin de compte, on aurait presque pitié de leur naïve ignorance, les braves garçons. Il n'en reste pas moins qu'aborder la gestion d'un état moderne sur base de la "hâkimiyya" démontre la déconnection totale de ces gens du monde dans lequel ils vivent et c'est extrêmement préoccupant!


Ceci étant, le meilleur de la clique, c'est quand même le splendide Fouad Belkacem a.k.a Abu Imran - tout droit débarqué du désert de la péninsule arabique, en habaya et kéfié, comme les vrais! Je m'attendais à voir brouter son dromadaire au détour d'un chemin du cadre rupestre où Sharia4Belgium faisait sa mise au vert.


Déjà, le vocabulaire: tout droit sorti du lexique des polémistes médiévaux! Monsieur Belkacem n'a pas des concitoyens non-musulmans: il fréquente des kuffâr, des mécréants, texto! Merci pour eux! Le ton est donné! Cela en dit long sur la grille de lecture de notre société par M. Belkacem.


Un extrait truculent: "On ne demande pas pour porter le niqâb! On porte le niqâb, on porte le hijâb! [...] M. Tielemans, apprêtez-vous à déménager, car, nous, les musulmans, on est venu ici pour rester et l'islam est venu ici pour dominer".


J'aurais aimé que M. Belkacem commence par appliquer ses propres recommandations. Oui, oui! Portez le hijâb, ou même mieux, le niqâb! Ce serait une excellente idée et ne gâcherait rien au plaisir, plutôt que de parler honteusement au nom de femmes musulmanes que l'on envoie au front tout en restant prudemment à l'arrière. Ca, ce serait faire preuve de courage plutôt que de fanfaronner complaisamment face à la caméra. A la rigueur, si M. Belkacem est à cheval sur les principes, il pourrait décider, à titre de solidarité, de rétablir le port du turban qui, dans le fiqh classique qu'il doit certainement maîtriser sur le bout des doigts, est d'un degré aussi élevé dans la hiérarchie de la norme que le hijâb… On attend des actes, M. Belkacem, pas que du vent!


En écoutant la suite de son propos, je me suis dit: "Ah, enfin un point positif! Ils ont compris que c'était ici chez eux!" C'était avant d'entendre la phrase suivante. Je résume en gros l'éthique musulmane façon Belkacem: "Tu m'invites dans ta maison, je m'y installe, après je t'impose mes règles et tu te casses si ça te plaît pas, mais moi je reste". Avec des propos pareils, les racistes n'ont même plus à se forcer pour trouver des arguments pour salir les musulmans, ils peuvent compter sur des imbéciles communautaristes pour faire ce travail à leur place. Moi, je propose de faire une liste électorale Vlaams Belang-Sharia4Belgium. Il y a de l'avenir! Notre cher ami, d'origine maghrébine, devrait, une fois de plus, méditer sur l'histoire. Les Européens ont fait l'essai en sens inverse, il y a déjà quelques temps d'ici. On a appelé ça la colonisation. Et ils se sont faits bouter hors de ces pays manu militari. On n'impose pas à un peuple une culture, une religion contre son gré. Ce qui était vrai là-bas, l'est ici également.


Effectivement, les pieux ancêtres auxquels aime se référer M. Belkacem avaient en effet eu l'intelligence de comprendre cela quand ils étendirent en quelques générations leur empire du Nord de l'Espagne aux portes de la Chine: pas d'imposition de force d'une religion dominante pour éviter révolte et retour de flamme. Pendant longtemps, les musulmans restèrent minoritaires dans un empire géré par des fonctionnaires et des élites non-musulmanes respectées pour leurs connaissances et leur expertise. Encore heureux que le Prophète n'a pas eu le même discours quand il est arrivé à Médine, sinon l'aventure de l'islam aurait tourné court.


Sous son discours de militant islamiste de salon, M. Belkacem ne fait qu'entraîner les musulmans dans une stratégie de confrontation dont ils sortiront les grands perdants. Quatrième mensonge de la série, plus grave encore, car il vend de l'illusion.


Par contre, la perle des perles, surtout à la lumière des événements en Méditerranée de la semaine dernière, c'est la déclaration suivante: "On va conquérir ce pays, in shâ'a Llâh, on va faire de la Belgique un état islamique et on va partir de la Belgique en Palestine in shâ'a Llâh pour la libérer et, à partir de là, conquérir le reste des terres pour faire dominer l'islam, la sharia et le califat".


Waaaw! Il faut arrêter de fumer la moquette M. Belkacem, cela ne vous réussit pas! A côté de ça, le projet du "Grand Moyen Orient" de l'Administration Bush, c'était de la roupie de sansonnet. On a affaire à des pros! Des vrais! Des gens qui ont une "istratejiyya" qui va faire des ravages! Comme le Prophète, ils mettent patiemment en place les éléments, les asbâb, avec une étude minutieuse de la situation, avant de se lancer dans l'aventure avec la bénédiction de Dieu, 'alâ bârakati Llâh! La Belgique tremble sur ses fondations. La garde autour du palais royal et du parlement a été renforcée, la police est en alerte rouge et Israël n'a plus de degré assez élevé pour indiquer le taux de menace. Sharia4Belgium va libérer la Palestine après avoir conquis Bruxelles! Mais comme il est malin M. Belkacem! Lui, il a une istratejiyya, il ne va pas prendre le risque de sortir de son "islamisme en pantoufles" pour aller s'engager concrètement pour apporter des biens de première nécessité à Gaza et risquer "bêtement" sa vie comme tous ces kuffâr occidentaux qui ne souhaitent que la libération du peuple palestinien et qu'il méprise! Non, non, non! Il travaille de l'intérieur de l'Europe pour libérer la Palestine! A mon avis, je crois que les ultra-sionistes auront le temps de détruire vingt fois la Mosquée Al-Aqsâ avant de voir arriver la flottille triomphante des navires Fisher Price de M. Belkacem venir la délivrer de leur emprise… Avant d'aller conquérir le MONDE, bien sûr!


Ben Laden et le Mollah Omar sont relégués au rang d'amateurs! La réincarnation de Salah al-Dîn al-Ayyûbî (Saladin) est parmi nous! Tremble ô Occident chrétien, croisé et impie! L'heure de ta fin est proche! Le délire total! Le Shaykh al-Islâm Ibn Taymiyya a pourtant énoncé des fatwas sans appel à l'encontre de ceux qui consomment des substances hallucinogènes. De toute évidence, M. Belkacem ne les a pas lues. Et si jamais il était sobre en vérité, alors le fiqh classique recommande la réclusion en bimâristân pour cause de folie définitive...


Par contre, il faudra qu'il m'explique comment militer pour la conquête de la Belgique ainsi que l'établissement du califat, ce ne serait pas faire de la politique - tout en profitant des vertus de la démocratie impie pour répandre de tels discours toxiques, faire du buzz et tenter de rallier des gens à sa cause. Là est l'aporie fondamentale de M. Belkacem et sa clique de dangereux rêveurs: comment être anti-système en étant dans le système et en profitant à donfe de ce dernier - et donc en niant l'essence même du message que l'on prétend porter. En d'autres termes, M. Belkacem démontre avec brio qu'en vérité, la démocratie est bien le meilleur - ou le moins mauvais - des systèmes car il permet la "réflexion" (c'est presqu'une insulte dans ce contexte), voire la propagande à son propos, tandis que le califat sauce Belkacem aurait certainement collés au gnouf depuis et pour longtemps les démocrates impudents qui auraient eu l'affront de faire une telle propagande pour leurs idées…


Enfin, une dernière pour la route: "Les frères ne doivent pas vivre avec l'idée que l'on doit vivre en-dessous (= sous la domination) de ces gens-là (= les mécréants), de demander avec politesse - l'islam nous donne la vérité".


Vous avez raison M. Belkacem, ne demandez rien! Arrachez la satisfaction de vos revendications, et si possible en étant arrogant, avec l'impunité de ce celui qui croit que tout lui est dû. Vous irez loin! Quand vous vous dégriserez de votre coma islamiste, vous réaliserez peut-être que vous n'êtes pas du bon côté du rapport de force, quand bien même seriez-vous convaincu que l'islam vous donne la vérité.


Vous méditerez peut-être plus sereinement la vie de celui que vous prétendez être votre modèle, le Prophète, que vous trahissez pourtant à chaque instant par vos propos dédaigneux, votre attitude insultante et votre mépris de vos semblables qui ne pensent pas comme vous. Vous réaliserez peut-être que quand il arriva à Médine, avec 13 ans de Révélation derrière lui, et bénéficiant d'un contact régulier, direct, avec la Transcendance qui aurait pu lui donner tous les droits en ce monde, il s'est comporté non pas en conquérant, mais en ami, en égal, dans l'humilité, sans demander rien à personne, mais en travaillant dur pour le bien de tous, musulmans comme non musulmans, sans revendications déplacées et hors contexte, en partageant les coutumes des Médinois et non pas en imposant les siennes, en faisant rayonner son message par sa pratique exemplaire, son sens de la justice et du devoir pour la cause de tous, sans préférence pour sa petite communauté, sans chercher à conquérir ni à s'imposer par le glaive.


Le Prophète était un Coran qui marche, rapportait de lui son épouse Aicha pour signifier à quel point il était l'incarnation vivante de son éthique et de ses valeurs. Quand je vois Sharia4Belgium, je n'ai face à moi qu'une portion de verset, estropiée et claudiquant. On est loin, très loin, des idéaux prophétiques et coraniques.


Laissons donc Sharia4Belgium à sa médiocrité, à son besoin de faire stupidement du buzz pour se donner l'illusion de l'existence et de l'importance et laissons l'histoire engloutir cette aberration dans le tumulte de l'écume des jours. Ils ne méritent pas un kopeck de plus. Et votez - utile - ce dimanche!


(*Pour l'anecdote, se surnommer "Abû quelque chose", c'est une vieille tradition anté-islamique que les "islamo-gugusses" aiment utiliser pour se donner de l'importance et faire plus "islamique". Signe de respect lié à l'âge et l'expérience, c'est à mourir de rire utilisé dans le cas présent. Pour info, les Frères Musulmans ont longtemps adoré ce style de politesse un peu emprunt, mais bon, c'est largement passé de mode chez eux, alors qu'ils l'utilisaient à bon escient).

2.4.10

Arabie Saoudite, Iran : "Belgique, bienvenue au club !"


Autant être clair dès le début : je m'oppose formellement au port de tout type de voile facial, niqâb, lithâm et autre burqa ou tchadrî.


Selon moi, le port de ces vêtements coutumiers - originaux ou réinterprétés - que certains essaient de mettre sur le dos de l'islam repose sur des interprétations biaisées (pour ne pas dire un viol sémantique) du Texte coranique et de la geste prophétique, sont en déconnexion complète avec la culture et la tradition européenne, et trouvent leurs sources dans des contextes culturels, politiques et socio-anthropologiques à des années lumières de notre réalité. Ces éléments les excluent sans équivoque du champ des possibles comportementaux et vestimentaires musulmans européens.


Ceci posé, la décision unanime de la Commission de l'Intérieur de la Chambre des Représentants de Belgique visant à interdire de manière absolue toute fréquentation de l'espace public le visage partiellement ou totalement masqué fera du 31 mars 2010 un jour noir dans l'histoire des démocraties libérales.


Et quand je dis "de manière absolue", c'est tout relatif : les exemptions sont déjà prévues pour certaines professions, mais aussi pour certaines manifestations culturelles : que les musulmanes en niqâb se rassurent, elles pourront le porter sans crainte pendant le carnaval ! Nos bonnes vielles valeurs et traditions culturelles sont sauves - tout le monde aura bien compris qui est visé(e) à travers cette loi d'interdiction générale !


Pourquoi un jour noir pour les démocraties libérales ?


Tout d'abord, pour la façon dont cette décision a été prise.


A) Aucun débat politique serein préalable sur le fond, mais un unanimisme blanc, majoritaire, crispé sur sa définition étroite de ce qu'est le vivre-ensemble - même Ecolo n'ose plus assumer des positions progressistes, c'est dire si le niveau zéro du débat politique est atteint !


B) Aucun débat sur la question qui aurait impliqué les premières concernées : les quelques dizaines de femmes en Belgique portant le niqâb. Quelles sont leurs motivations, leurs projets, leurs envies, leurs idéaux, ce qui les amène à se retrancher partiellement de la société, à poser ces choix difficilement compréhensibles de l'extérieur ? En vérité, le monde politique s'en fiche comme de sa première chemise, ce ne serait de toute manière qu'une bande d'écervelées, manipulées, soumises, violentées, cloîtrées… à sauver envers et contre tout, surtout leur plein gré…


C) On vient d'assister à un court-circuitage de 1ère classe de la seule enceinte plus ou moins légitime où un tel débat aurait dû prendre place : les Assises de l'Interculturalité. Censées rendre leurs conclusions en juin, elles viennent de prendre un sérieux coup dans l'aile, d'autant que le second parti à pousser pour une mesure législative de cette ampleur est le Cdh. Le parti de la Vice-Première Ministre à l'origine même de ces Assises. Dissensions internes, calculs politiciens sur plusieurs tableaux ? Quoiqu'il en soit tant la légitimité des Assises que celle de Mme Milquet sortent écornées de cette péripétie.


Ensuite pour les motivations sous-tendant cette décision ainsi que pour la décision en elle-même.


A) L'argument de la libération des femmes a rapidement fait long feu. S'il peut être pertinent dans d'autres contextes culturels (genre Afghânistân), les informations parcellaires dont nous disposons aujourd'hui montrent qu'une partie considérable des femmes portant le niqâb sont belges de 2ème génération ou converties à l'islam - s'inscrivant dans une démarche de "born again", de recherche obsessionnelle de pureté et de salut individuel. Que l'on soit en désaccord ou pas avec leurs motivations, il s'agit principalement d'un voilage consenti - Dieu Seul étant à même de connaître et d'apprécier le degré de liberté individuelle à la source de ce consentement. En tant qu'êtres humains sans accès privilégié aux profondeurs des âmes, nous sommes condamnés à n'en connaître que ce que les premières concernées nous en disent.


Dès lors, tenter de libérer contre leur gré des gens qui choisissent de s'isoler ou de vivre en retrait de la société - que cela nous plaise ou non - est une aberration et l'aporie sur laquelle se fracasse inévitablement l'argument de la libération de la femme "en niqâb". Enfin, aucun preux chevalier de la libération de cette dernière n'a fourni d'argument consistant quant à la gestion des conséquences négatives d'une telle interdiction. Si cette personne est véritablement contrainte de porter ce type de vêtement qui constitue ainsi son seul viatique pour rencontrer le monde extérieur, cela ne fera que renforcer son isolement, sans plus de possibilité de contacter des intervenants extérieurs. De quelle libération parle-t-on ? S'il s'agit d'une personne le portant par choix personnel, il est alors question d'un déni pur et simple de son droit de manifester sa religion en privé comme en public, tel qu'il est garanti par la Convention Européenne des Droits de l'Homme qui ne pose comme restriction à ce droit que les menaces à l'ordre, à la sécurité et à la santé publique.


B) Mais là où le délire atteint son comble, c'est lorsque les braves parlementaires à l'origine de cette proposition de loi n'hésitent même plus à écarter d'un revers de la main la seule justification recevable à une telle interdiction: l'argument de la sécurité. Terminé ! Selon leurs interviews, ce qui justifie cette démarche, c'est la nécessité de préserver le vivre-ensemble ! Et c'est là que le concept même de démocratie libérale est vidé de sa substance !


En effet, la préservation du vivre-ensemble n'est reprise dans aucun texte fondateur de nos sociétés comme une base juridique recevable pour restreindre de quelque manière que ce soit la liberté individuelle. Au contraire, celle-ci doit primer et ne doit être limitée que de la façon la plus légère possible pour justement permettre le développement d'un convivium offrant les plus grandes possibilités d'épanouissement individuel et collectif à tout un chacun.


Dans leur volonté crispée de défendre un vivre-ensemble fondé sur un communautarisme majoritaire qui s'ignore, nos parlementaires ont franchi la ligne jaune qui fait passer toute société du statut de démocratie libérale à celui de totalitarisme majoritaire, rejoignant l'Iran et l'Arabie Saoudite dans le club sélect mais peu enviable des rares pays qui prescrivent une norme vestimentaire dans l'espace public et interdisent tout ce qui va à son encontre. Au point de criminaliser les opposants comme c'est le cas aujourd'hui puisque les modifications prévues au code pénal prévoient amendes et peines d'emprisonnement !


Mais les similitudes de s'arrêtent pas là : il y a une cohérence profonde entre les démarches de ces trois pays. En effet, à chaque fois, la préservation de la dignité - voire de la liberté - de la femme est invoquée pour justifier l'injustifiable : la restriction des libertés individuelles de certaines de nos concitoyennes. A chaque fois, c'est un groupe majoritaire qui profite de son poids électoral pour imposer sa loi à une minorité (or toute la philosophie des Droits de l'Homme est précisément de prévenir ce type de dérive). A chaque fois, ce sont des mâles dominants qui montent au créneau pour défendre la dignité, l'honneur et la liberté des femmes et leur imposer ce qui est bon pour elles, ayant recours au besoin à quelques supplétives trop heureuses de pouvoir exister en aboyant avec la meute et en apportant leur caution de femmes, voire de féministes engagées, à cette violence symbolique inouïe commise à l'encontre d'autres femmes professant des opinions différentes.


Un véritable jour noir pour la démocratie et pour la cause des femmes, de toutes les femmes…


Car ne nous trompons pas de cible, ni d'analyse. Ce n'est pas à la promotion du progressisme que nous assistons aujourd'hui, mais au retour d'un ordre moral, blanc, quadragénaire, profondément machiste et inégalitaire, fruit d'une alliance étonnante entre une vieille droite catholique nostalgique, des néo-réacs laïcards de tous poils, des identitaristes désabusés ou qui s'ignorent... le tout sur fond de la perception d'une Europe veille fille ramollie en plein doute existentiel, se préparant à se faire trousser à corps défendant par les virils bataillons islamistes de la célèbre 5ème colonne.


En effet, lorsque l'on entend l'assistante de M. Ducarme justifier sur la BBC cette proposition de loi, arguments coraniques à l'appui, cela fait froid dans le dos, car le politique n'hésite plus à franchir allègrement sa "sacro-sainte" séparation du religieux, prétendant apprendre aux musulmans de Belgique quelle est la bonne interprétation de leur religion et de leur Texte fondateur.


Quand la majorité, à force de loi, prétend ainsi imposer unilatéralement à une minorité sa conception du convivium, sa façon de se vêtir, sa façon de comprendre et de pratiquer sa propre religion, on a tourné la page de la démocratie et l'on s'enfonce dans de sombres perspectives d'avenir. Car à cette aune, on viendra bientôt interdire les gay prides (c'est déjà le cas à Vilnius) ou aux gays et lesbiennes d'être démonstratifs dans l'espace public, puis aux jeunes de s'habiller de telle façon, d'être trop bruyants… Quand une société est prête à une telle remise en cause des droits fondamentaux de certains de ses membres, il n'y a plus de limite au retour de l'ordre moral et du totalitarisme.


Certes, M. Ducarme, entre autres, y est allé de ses rodomontades habituelles, envoyant un signal fort aux islamistes ! Oui da ! Ils tremblent tous dans leurs chaumières devant un tel courage et une telle détermination à défendre la démocratie ! La Sûreté rapporterait même qu'ils seraient en train d'affréter des cars pour un exode massif vers ces lointains pays barbares où l'on ne respecte pas les femmes…


Mais non, je plaisante ! En vérité, tant qu'à être cynique jusqu'à la dernière ligne, si l'on partageait une seconde le délire islamisto-conspirationiste de MM. Ducarme et consort, mais… pourquoi ces islamistes suppôts du nostalgisme califal quitteraient-ils la Belgique ? En effet, à l'aune de mon analyse, ils ont gagné hier, grâce aux soutien béat des petits soldats d'un conformisme majoritaire passéiste et abject, une bataille décisive : grâce à cet étron totalitaire déposé en Commission de l'Intérieur, la Belgique a tourné le dos à une longue tradition de libéralisme éclairé et pragmatique, pour s'engager, à l'unanimité aveugle de ses représentants, sur la voie du renoncement à l'édifice inestimable des droits de l'homme, sur la voie du déni, voire de l'oppression de la différence, de la divergence et de la diversité.


Que ces islamistes fassent preuve de patience et dans quelques années, ils viendront cueillir le fruit d'une Belgique au pas, toute disposée à passer du statut de république des imbéciles à celui de république islamique.


Comme quoi, l'ignorance des uns est toujours l'alliée objective des plus radicaux.


Si au moins, ils avaient voté ce texte ce premier avril, on aurait pu en rire.



Michael Privot



Addendum :

Ne voulant pas laisser accroire que je serais partisan d’un multiculturalisme « version bisounours », je précise encore que ce qui me choque ce n’est pas tant l’objectif que la méthode utilisée. Le port du voile intégral est l’expression, selon moi, sous couvert d’une excessivité normative, d’une volonté de retrait de la communauté majoritaire pour toute sorte de raisons variant autour d’un profond mal-être ou malaise social. Quand quelqu’un est convaincu que sa propre société ne veut pas de lui, le rejette, le marginalise, il ne faut pas s’étonner qu’il souhaite faire un pas de côté sans s’en retirer complètement non plus – marquer sa différence « je suis contre, mais encore avec ». Dès lors, au lieu d’adresser les causes multiples et complexes pouvant mener à ce type de comportement (dont bien sûr mais pas uniquement discriminations, exclusion, faillite scolaire, manque de connaissance religieuse, diffusion d’une idéologie de rupture…), les parlementaires choisissent l’option facile et très rentable politiquement à court terme d'imposer par la loi un convivium particulier (ils réaffirment de manière cathartique « leurs valeurs » et leur cohésion de groupe en engrangeant un maximum de bénéfice politique en termes d’image à un coût insignifiant en matière d’électeurs). Or, le vivre-ensemble, cela se construit ensemble, précisément, pas à coup de trique.


Dès lors, ils s’aliènent plus encore la communauté musulmane dans son ensemble qui, bien que ne soutenant pas le port du voile facial de manière ultra-majoritaire, ressent que cette proposition de loi la vise en particulier. Qu’on le veuille ou non, la communauté musulmane est le partenaire indispensable à toute élaboration d’un vivre-ensemble inclusif et la mieux à même de faire évoluer positivement les mentalités en son propre sein. Se l’aliéner est au mieux une erreur stratégique, au pire une volonté délibérée de nourrir et de faire s’auto-réaliser le clash des communautés.

16.2.10

Le MR chez les musulmans : une révolution copernicienne ?


Lors du lancement de l'Appel du Mouvement Réformateur "Mieux pour tous" ce 31 janvier 2010, Didier Reynders, son Président, appela à "réussir le pari d'un dialogue avec les musulmans désireux de développer un islam européen, respectueux des valeurs qui sont le socle de notre vivre-ensemble". Si cette ouverture devait se concrétiser, elle constituerait une véritable rupture épistémique dans l'approche du MR vis-à-vis des Belges musulmans. Bref état des lieux et proposition d'indicateurs visant à mesurer le sérieux de l'ouverture.

Laïcité et place du religieux

La difficulté de la prise en compte du religieux dans nos sociétés sécularisées n'est pas l'apanage du seul MR. Tous les partis, cdH inclus, peinent à intégrer dans leurs réflexions les nouveaux phénomènes religieux, dont l'islam. Alors que l'anticléricalisme rabique a longtemps été abandonné à la gauche, les libéraux se tenant plutôt à distance de ces questions, un virage important a été constaté depuis plusieurs années. Le MR se caractérise en effet par le rejet croissant d'une certaine visibilité de la religiosité musulmane en particulier, mais sous couvert de la défense d'une laïcité quasi républicaine. Cette position s'est radicalisée et a été endossée par tout le parti au cours des dernières élections. Des personnalités comme M. Hervé Hasquin devenant les derniers Mohicans d'un libéralisme progressiste, ouvert à la diversité de l'autre et à une discussion robuste mais respectueuse avec celui-ci.

Or, le point aveugle de l'évolution idéologique du MR vers la défense d'une laïcité d'exclusion du religieux hors de l'espace public, consiste à ne pas comprendre que tant l'approfondissement de la sécularisation de nos sociétés que la visibilité croissante du religieux sont deux facettes d'un même processus. Avec pour conséquence paradoxale que plus le religieux est visible, moins il a d'influence politique, y compris le religieux musulman qui n'échappe pas à cette tendance lourde. Ce virage du MR surfant sur la crainte de certaines manifestations de l'islam est donc dangereux en ce qu'il obscurcit les enjeux en présence.

Premier indicateur : le MR doit renforcer sa cohérence politique en clarifiant son message et en cessant d'appeler au dialogue, tout en laissant des francs-tireurs tels que MM. Destexhe et Ducarme, ou encore Mme Defraigne, pour ne citer qu'eux, tenir des discours outranciers et anxiogènes à l'égard des musulmans (Le récent baroud de certains mandataires MR à propos de la nomination de Mme Fatima Zibouh au CECLR étant une parfaite illustration de ce point).

Approche conceptuelle

On ne le dira jamais assez : les différentes communautés musulmanes sont extrêmement diverses, y compris politiquement. Loin des stéréotypes sur un bloc électoral musulman vendable au plus offrant, les musulmans, dans l'isoloir, se caractérisent par une grande autonomie et votent de façon comparable à la population majoritaire. Si ce n'est vis-à-vis du MR qui traîne la réputation d'être foncièrement anti-migration, anti-musulman, et représentant une Belgique bourgeoise et blanche, rétive à toute idée de diversité. Force est de constater que le MR ne s'est guère efforcé d'envisager les questions migratoires ou démographiques sous un angle autre qu'économiquement utilitariste et protectionniste, laissant au vestiaire les valeurs fondamentales du libéralisme (droits égaux des individus, lutte contre les injustices, protection des libertés individuelles…). Son rapport au fait musulman est typique de cette approche.

Un exemple ? Alors que ne cessent de s'empiler les études scientifiques démontrant que le port du foulard est polysémique et résulte avant tout d'un choix personnel, le MR pose pour condition au dialogue qu'il faut l'interdire dans l'enseignement et l'administration sous prétexte de son atteinte à l'égalité homme-femme, et ce sans aucun dialogue avec les premières concernées. Bel exemple d'ouverture. Outre cela, les termes mêmes utilisés par M. Reynders (islam européen, respect de [nos] valeurs), soulignent l'absence de véritable grille d'analyse permettant de saisir adéquatement la complexité des réalités et des dynamiques à l'œuvre au sein de nos populations musulmanes. Quels critères utilisera-t-il pour déterminer l'européanité des musulmans avec lesquels il souhaitera réussir son pari ? Quelle est ce socle de valeurs qu'il invoque ? La Commission des Sages qu'il avait mise en place en 2004 et à laquelle j'avais eu l'honneur de participer avait déjà butté sur cette question. Qu'avons-nous vraiment de commun au-delà des Droits de l'Homme ? Et que faire alors d'une musulmane revendiquant le droit au foulard en leur nom ? Trop ou pas assez européenne ? Digne ou non de participer à ce dialogue ?

Deuxième indicateur : le MR doit établir une commission pluraliste d'experts, de musulmans et d'élus en vue de développer son intelligence collective sur le fait musulman et de proposer des politiques respectueuses et progressistes visant à renforcer la cohésion de nos sociétés.

Représentation politique

Si l'on ne peut reprocher au MR de n'avoir pas trop succombé aux sirènes du shopping arabo-musulman pour la constitution de ses listes électorales, on constate cependant une véritable résistance à offrir des places éligibles à des candidats de qualité ne mettant pas en berne la composante musulmane de leur identité. Sous d'autres cieux, cela s'appelle de la discrimination systémique. Or si le MR veut être crédible dans son pari du dialogue, il importe qu'il sache offrir à celles et ceux séduits par son programme des chances égales de mobiliser positivement leur diversité au nom de l'intérêt commun.

Troisième indicateur : le MR doit entreprendre une étude approfondie de la représentativité de son personnel politique et de ses élus et mettre en place des mesures permettant de lever les obstacles structurels à la progression du personnel et des élus de confession musulmane en son sein.

Citoyenneté participative

Membre actif de ma communauté musulmane locale, je constate avec amertume l'extrême difficulté d'établir un contact avec le MR alors que les autres partis démocratiques n'ont jamais hésité a engager le débat avec nous, sans complaisance, mais avec respect. Cette mention serait anecdotique si l'homme fort local du MR n'était un des proches conseillers de M. Reynders, ce qui pourrait nous faire craindre que cet appel au dialogue ne relève que du "faites ce que je dis, mais pas ce que je fais". On ne compte plus les invitations restées sans réponse, les courriels systématiquement ignorés, les propos à la limite de l'islamophobie de mandataires MR… Des souhaits présidentiels à l'ouverture au niveau local, le MR fait face à un gouffre impressionnant auquel sont confrontés les musulmans demandeurs d'un dialogue constructif, depuis bien avant le "I have a dream" de M. Reynders.

Quatrième indicateur : le MR doit mettre en place une instance de monitorage de la bonne gouvernance interne en matière de dialogue avec les communautés convictionnelles, y compris musulmanes, permettant d'évaluer les progrès réalisés au niveau local (là où le dialogue prend tout son sens), de proposer des recommandations, mais aussi des sanctions en cas de dérapage.

Les indicateurs proposés sont ambitieux, mais à la hauteur du défi lancé par le MR s'il veut retrouver un peu de crédibilité auprès des musulmans qui ont été profondément heurtés par une série de positions défendues par des mandataires MR. A l'heure où se développe une classe moyenne de confession musulmane composée de jeunes cadres, de commerçants et de petits entrepreneurs sensibles au message du MR en matière d'effort individuel, d'entrepreneuriat et d'encouragement à la propriété privée, le MR ne peut pas prendre le risque de se l'aliéner en stigmatisant ses convictions spirituelles. La récente ouverture du MR doit être saluée en ce qu'elle marque un retour vers les valeurs fondamentales du libéralisme.

Au-delà de la promesse, le MR devra prouver par des actes concrets que cet appel n'est pas que rhétorique. Quant aux musulmans, ils devront relever le gant et démontrer qu'ils sont des partenaires constructifs, capables de négocier leurs exigences pour élaborer un vivre-ensemble inclusif et favorable à l'épanouissement de tous.

Dr. Michaël Privot
Islamologue et citoyen de confession musulmane

30.1.10

Pour se saborder, les musulmans n'ont besoin de personne !

Autant vous mettre tout de suite dans la confidence, je suis d'humeur à dézinguer. Franchement.

La cause de mon émoi ? Une overdose d'imbécillité cathodique sur l'islam et les musulmans, par (surtout!) et pour (ou plutôt contre) les musulmans.

La semaine dernière a connu la diffusion de deux émissions différentes, au demeurant très intéressantes et pas si mal faites à ce que j'ai pu en voir, sur quelques aspects des pratiques religieuses des musulmans en Belgique.

Sur la RTBF (francophone), l'émission "Question à la Une" abordait la question du port du foulard, un sujet très sensible, susceptible de tous les dérapages, mais magistralement traité, en définitive, par Pascale Bourgeaux, dont l'ingénuité - derrière des questions a priori banales - a souligné le grand esprit d'a-propos et la maîtrise du sujet. Du côté néerlandophone, l'émission "In God's Naam", sur la chaîne Een a centré la focale sur une association de converties ainsi que leurs discours et pratiques.

Les sujets étaient différents, les acteurs, des gens du quotidien et les journalistes, ma foi, ont bien fait leur travail. Si, en tant que musulmans ayant un minimum d'amour propre, beaucoup d'entre nous ont dû éteindre leur téléviseur en souffrant le martyre à force de s'être faits tirer des balles dans le pied par ses propres coreligionnaires, on ne pourra en tout cas pas le leur reprocher. Ce fut un vrai festival !

Des exemples ?

Un des moments mémorables du reportage de "Question à la Une", fut ce débat à l'Athénée Verdi, à Verviers - un des rares établissements autorisant pourtant le port du voile pour les adolescentes (mais pour combien de temps encore?).

Tout un programme ! Le débat ressemblait tout d'abord à une tentative d'évangélisation dans la disposition même de la salle (que mes amis chrétiens me pardonnent !). Les élèves d'un côté - eux-mêmes divisés en deux camps: les "mumus" d'un côté, les "non-mumus" de l'autre! Je suis prêt à parier que ce n'était pas voulu, mais cela en dit long sur la façon dont le débat se polarise par défaut. Une seule demoiselle en foulard (regarder le 1er rang à droite) s'était égarée dans le camp "non-mumu", mais, par la suite, face à une dynamique de groupe décidément bien négative, dut se résoudre à, littéralement, changer de camp. Franchement, c'est triste d'en arriver là, mais ce simple fait souligne déjà cruellement la difficulté d'aborder cette question de manière apaisée - encore faut-il avoir la volonté de mettre en place un cadre adéquat et modéré de façon professionnelle pour tenter de maintenir une dynamique de groupe inclusive et respectueuse. On en était très loin.

En effet, face aux jeunes, il y avait la préfète de l'Athénée, campant sur une conception très particulière - c'est un euphémisme - de la neutralité de l'enseignement et une seule intervenante : une passionaria de la lutte contre les discriminations intracommunautaires dont sont victimes nombre de musulmanes (mais pas à des taux plus élevés que dans d'autres communautés, je vous rassure), qui fait par ailleurs un travail extraordinaire, mais dont le discours de plus en plus radical et simpliste sur certains aspects ne fait que lui aliéner de façon exponentielle la communauté avec laquelle elle doit travailler, et ce de manière inversement proportionnelle à celle dont elle se fait chouchouter par d'autres milieux qui espèrent la récupérer pour régler leur compte avec l'islam et les musulmans. Par contre, aucun autre intervenant, sociologue, anthropologue, islamologue, représentant du Centre pour l'Egalité des chances ou que sais-je encore qui aurait pu apporter un peu de nuance à un prêchi-prêcha unidirectionnel et convaincu de son bien-fondé, de son droit, de sa justesse et de sa justice. J'aurais été dans cette salle, je crois que j'aurais éprouvé des difficultés à ne pas me solidariser avec ces jeunes musulman(e)s - même si je ne partage en rien leurs positions. J'y arrive. En tous cas, l'organisation d'un tel spectacle, d'un point de vue pédagogique visant à l'ouverture et à l'apprentissage, par de futurs jeunes citoyens, du débat démocratique, contradictoire et informé me laisse pantois. Manifestement, il y a encore du chemin à faire.

Je n'aborderai pas les échanges nourris entre l'intervenante et ces jeunes à coup de versets coraniques dont ni les uns ni les autres ne maîtrisent le contenu ni les finalités. A nouveau, c'est pitoyable et absolument infécond, mais bon, le format de ce type de discussions nous a depuis longtemps habitués à ce genre de dérives stériles qui n'éclairent absolument pas les enjeux du débat, ni dans un sens, ni dans un autre. Après tout, chacun croit ce qu'il/elle veut, qu'il/elle soit plus ou moins progressiste, libéral(e) ou conservateur/trice. A chacun son trip ou son Coran ! La question fondamentale, c'est comment fait-on pour vivre tous ensemble sans s'entre-déchirer et en se donnant un maximum de liberté individuelle dans le respect des libertés des autres. Et les versets coraniques généralement cités dans ce type de débat (i.e. sur ce que couvre ou non le foulard) ne sont pas des plus éclairants en la matière.

Ce qui m'a par contre littéralement flingué, en tant que musulman se voulant porteur d'une foi (si possible) rayonnante, ce sont deux arguments repris par mes jeunes coreligionnaires.

A l'une de leurs condisciples qui s'étonnait - à raison ! - que les jeunes musulmanes ne pouvaient lire le Coran pendant leurs règles, une jeune répondit que c'était sa religion qui voulait ça et qu'elle le respectait, dit avec l'aplomb de celle qui détient la Vérité divine. La boulette !!! A bon ?! Mais où a-t-elle donc lu/vu/entendu ça ? Pourquoi prend-t-elle pour argent comptant la plus machiste et rétrograde des lectures conservatrices d'un verset disant que ne peuvent "approcher du Livre que ceux qui se purifient?". C'est sur ce verset que des obscurantistes des temps passés interdisaient l'enseignement du Coran, voire même de l'arabe, à des non-musulmans. Quand on veut faire oeuvre de stupidité, on trouve toujours de l'eau à amener à son moulin ! Mais en l'occurrence, soyons précis, à mes yeux, ce n'est pas cette jeune fille qui est responsable, et je ne lui jette en rien la pierre, car elle n'est que l'indicateur de l'ignorance crasse dans laquelle baigne toute une communauté et que perpétuent de commun accord parents (pères ET mères), professeurs de religion islamique, imâms et tous les autres !!! Bien sûr, il y a une interdiction dérogatoire pour la pratique de la prière rituelle, pour des raisons de confort en faveur de la gente féminine, mais cette suspension ne peut en aucun cas être étendue, comme beaucoup le font, à l'ensemble des pratiques religieuses et a fortiori à la fréquentation du Coran, fondement même de toute méditation en islam. La conséquence de telles affirmations serait que les musulmanes seraient "en vacances" de toute pratique religieuse 1 semaine par mois, contraintes à l'éloignement de Dieu, coupées des sources mêmes de leur spiritualité… Dispense de prière ne vaut pas dispense de spiritualité, dont une des portes évidentes reste la lecture du Livre saint ! Pas étonnant que ce déni d'accès au savoir religieux pour les femmes pour de telles causes, fassent sortir de leurs gonds toutes celles et ceux, musulmans ou non, qui prônent l'égalité des sexes en islam !

Le deuxième grand moment, c'est quand une jeune fille ne portant pas le foulard déclara clairement qu'elle était "en erreur", "dans le péché", de ce simple fait et qu'elle encourrait l'enfer, rien de moins ! Ainsi, Dieu, dans Son infinie Justice, serait prêt à damner une femme parce qu'elle n'aurait pas porté ce petit bout de tissu sur la tête ?

Quelle rage devant les dégâts causés par une trentaine d'années de salafisation des discours des mosquées, des enseignants, de ces parents "born-again", de cette littérature musulmane de caniveau déversée par conteneurs entiers dans toutes les communautés musulmanes du globe et qui ont ancré dans les esprits de telles inepties ! Ne pas porter le foulard n'impliquerait qu'un manque de degré de perfection éthique, mais n'a jamais eu pour conséquence la nécessité d'un quelconque acte de contrition, ni l'application d'une quelconque peine légale (genre coupage de main ou autre joyeuseté), ni la mention d'un quelconque châtiment en enfer… et ce dans l'ensemble de la littérature jurisprudentielle savante (je ne parle pas des rigolos inondant le cyber espace de leur "fatwarhée"). Alors, quoi ? Les leaders communautaires musulmans de ces trois ou quatre dernières décennies devront un jour faire face à leur responsabilité écrasante dans la large dissémination de telles confusions qui, pour les spécialistes du droit musulman, remettent en cause- de façon peut-être anodine pour le commun - des équilibres fondamentaux entre praxis, morale et théologie voire métaphysique. Quel serait le statut d'un Dieu qui condamnerait à la Géhenne une âme pieuse ne mettant pas le foulard, mais pardonnerait au voleur ou à l'adultérin ?

Mais la cerise sur le gâteau, ce fut certainement cet inénarrable enseignant de religion islamique, déconnecté du réel, suivant une rhétorique simpliste et d'un autre âge sur les voyages des filles, le péché causé par le non port du foulard, la mixité… Heureusement que l'inspecteur des cours de religion islamique interviewé par la suite a recentré à juste titre le contenu de l'enseignement officiel et semblait vouloir prendre des mesures face à cet enseignant en pleine dérive identitaire, apparemment signalé depuis plusieurs années déjà. Nécessaire, certes, mais je crains bien que cet enseignant ne soit hélas que la pointe émergée de l'iceberg : cet homme a finalement péché (un comble) par excès de naïveté ou de confiance envers l'implacable logique de son raisonnement pour parler ainsi face caméra. Comme quoi, toutes les théories sur les stratégies de taqiyya des fondamentalistes ne sont souvent qu'un "fumage de carpette". Mais combien partagent-ils des opinions similaires et forment notre jeunesse, sans toutefois le dire face caméra ? Je n'ai pas l'intention de décrédibiliser ni de jeter la suspicion sur des professionnels qui font un travail difficile, souvent sans filet, et qui sont aussi de très bons modérateurs sociaux pour des jeunes en pleine d'adolescence, mais soyons assez honnêtes pour reconnaître que cet enseignant ne faisait ici qu'énoncer des opinions répandues à tous les étages de la communauté.

Et c'est ça qui me désespère pour deux raisons principales, au-delà des déclarations anecdotiques de cet enseignant et des deux élèves. Tout d'abord, elles ne sont que le reflet de conceptions et d'idées majoritairement répandues dans la communauté musulmane. Ensuite, ce genre de déclarations assumées sans arrière-pensées ne font que nourrir les discours islamophobes de plus en plus prégnants dans la communauté majoritaire, genre "vous voyez, on vous l'avait bien dit".

Je passerai rapidement sur les délires de certains parents d'élèves de la seule école primaire islamique de Belgique qui interdisent à leurs filles d'aller à la piscine ("on pourrait les draguer", à même pas 12 ans, dans le cadre d'un cours organisé par une école islamique ????? Ce serait à désespérer de tout !) pour mentionner le choc créé au nord du pays, dans le cadre de l'émission "In God's Naam", par les déclarations d'une des responsables de l'association de converties flamandes al-Minara affirmant, sans l'once de la moindre gêne, que les musulmans avaient le droit de mentir aux non-musulmans selon le Coran… Là, on atteint le fond ! Si au moins, comme dans la "Petite Mosquée sur la Prairie" (première saison), elle avait ajouté "sourate 125, verset 53" (ndla le Coran ne compte que 114 sourates !), on aurait encore pu en rire ! Même pas ! C'était sérieux ! Du pain béni pour le Vlaams Belang et compagnie ! Mais encore une fois, le pire, c'est que beaucoup de musulmans (en Europe surtout) en sont convaincus - parce que cela les arrange bien, évidemment ! Mêlant désinformation, mensonge, stupidité et ignorance, comment celles et ceux professant ce genre d'inepties espèrent-ils que la communauté majoritaire va leur faire confiance quand ils prétendront que l'islam est une religion de paix, de respect, plaçant la fidélité aux pactes et aux engagements, individuels comme collectifs, au coeur même du fonctionnement équilibré de toute société, majoritairement musulmane ou non ? A désespérer, vous dis-je !

Alors que certains s'offusquent sur l'Internet de l'approche prétendument biaisée de ces émissions, je rétorque qu'elle ne font que mettre en lumière le marasme moral et intellectuel dans lequel notre communauté est embourbée jusqu'au cou ! Le problème pour moi n'est pas que cette information soit relayée ou mise en exergue, mais qu'elle existe, tout simplement. Et là, il ne faut pas chercher d'autres coupables que nous-mêmes, musulmans, à la propagation d'une mauvaise image de notre communauté. Ce serait trop facile !

Heureusement ! Heureusement ! Tout ne fut pas négatif et je veux remercier de fond du coeur les quelques responsables communautaires interrogés qui ont montré que les musulmans pouvaient faire autre chose que dériver : l'inspecteur des cours de religion islamique et ses collègues, Jamal Zahri, président de Islamic Relief Belgique ou encore le futur imâm belge ou encore Kebir Bencheikh, trésorier de l'association liée à l'école islamique, dont j'ai été heureux de constater l'évolution importante vers des positions plus modérées en matière de moeurs, en comparaison avec certains de ses discours d'il y a quelques années, si je ne m'abuse, quand il était un opposant assez acharné contre le plan d'action national marocain pour l'intégration des femmes au développement. Comme quoi, il ne faut jamais désespérer de rien !

Mais rassurez-vous, quand même, les musulmans ne furent pas les seuls à atteindre des sommets ce jour-là ! Je serais injuste de ne pas au moins mentionner l'une ou l'autre perle.

Je décernerai sans hésitation la médaille de la talibanisation de nos sociétés majoritaires au proviseur de l'Athénée Verdi qui deale avec une élève la longueur de sa jupe en échange de la réussite de son année scolaire ! Si les discours musulmans ultra-conservateurs sur la longueur de la jupe, de la barbe ou du hijâb me donnent de l'urticaire, que dire alors de telles aberrations ? Vers qui les gens de bon sens qui refusent de se faire enfermer dans tous débats sur les centimètres en trop ou en moins pourront-ils encore se tourner si les autorités, quel que soit leur niveau de pouvoir, se mettent, elles aussi, à spéculer ou édicter des normes en la matière ! C'est véritablement la fin de nos sociétés libérales qui est ainsi mise en oeuvre - et, pire encore, sous le prétexte de lutter contre ceux qui remettent précisément en cause leur libéralisme ! Quel cauchemar ! Quelle déchéance ! Réveillez-moi s'il vous plaît ! Réveillez-vous !

J'espère avoir l'occasion de revenir dans un autre post sur ce blog sur les graves dangers que peuvent entraîner des tentatives maladroites ou mal réfléchies de répondre à l'hystérie normative de certains par une hystérie normative tout aussi aliénante en fin de compte, car noyant toute liberté individuelle dans une foule de détails empoisonnant la vie.

On n'est vraiment pas sorti de l'auberge ! Les islamophobes de tous poils n'ont pas de soucis à se faire. Ils pourront compter pendant longtemps encore sur de nombreux musulmans pour leur offrir du grain à moudre.

#2 : Claquer la bise, serrer la main - quand mon paradis dépend de la façon dont je te dis bonjour

Cette pratique, peu connue il y a encore une trentaine d’années au sein des communautés musulmanes, s’est répandue dans les milieux conserva...